Itzhak Golberg

Cartographie végétale

2023

Déboussolé, le regard se pose sur les images d’Olivier Marty, et cherche le centre. Difficile d’échapper à une tradition picturale qui réserve cette place de choix au sujet, ou au moins à la partie la plus importante de l’œuvre. Malgré la révolution d’all over, cette technique picturale datant du mitan du XXe siècle où la toile est traitée uniformément de telle sorte qu’il n’y ait ni motif abstrait, ni bord abandonné, l’œil reste toujours attiré par cette partie privilégiée. Chez Marty, le centre est neutralisé de deux manières différentes, voire opposées.

D’une part, c’est le trop plein de taches et de signes, pris dans un mouvement centrifuge, qui virevoltent sur toute la surface et forment comme un essaim abstrait (Petite campagne, 2022).

 D’autre part, ce sont des toiles dont une partie importante, le plus souvent situées à gauche, est recouverte de blanc qui introduit un semblant de vide – même si les trajets colorés et sinueux évoquent des sentiers. Sur le côté droit de ces images on trouve alignés des composants de la nature – essentiellement des arbres. Minuscules – le titre, rappelons-le, est Pépinière – réduits à un schéma sommaire, ils forment comme une clé de lecture de l’œuvre. On songe à ces légendes qui accompagnent les cartes géographiques, permettant la compréhension de symboles telles que les couleurs ou les pictogrammes. Ou encore on peut y voir une partition végétale dont seul le compositeur, le peintre, connait les secrets.

Quoiqu’il en soit, carte, partition ou encore écriture – végétale ? – n’habitent pas l’espace de la même façon que la peinture. Ces trois manières de s’exprimer par des signes se lisent autant qu’elles se regardent. Avec Marty, l’image se prête également à la lecture; le visible et le lisible se confondent. Pour autant, on ne saura jamais ce que signifie cette plante stylisée ou ces quelques lignes qui serpentent. Mais, peut-être faut-il abandonner l’obsession herméneutique d’un historien d’art et suivre le conseil de René Char : « seules les traces font rêver ». Au centre ou hors du centre.


Texte écrit pour la galerie Univer  à l'occasion de l'exposition personnelle "Pépinières et jardins", en janvier 2023