Le canna. 4

Le canna. 4
2006, Port folio de quatre lithographies, 47,5 x 32,5 cm.
Co-édité par la galerie Le Domaine Perdu à Meyrals et la galerie Hus à Paris.
Imprimé par Thomas Marin à l’atelier Lacourière et Frélaut.

Il fleurit depuis le milieu de l’été, au fond du jardin. A l’ombre de l’amélanchier, devant ce rosier qui refuse de pousser. La feuille est jaune et verte et ronde, elle bleuit à l’approche du mur ocre gris. Des hachures fines et régulières innervent ce grand canoë (bouclier) rigide. La nervure centrale guide un trait clair jusqu’à la pointe. Le contour est net, muet, tendu comme un arc ; la tige, acide, est dressée, une vraie lance d’Uccelo. 

Je dois accommoder ma vue, pour distinguer la vraie couleur des noirs qui trouent et structurent la masse du feuillage.

Des stries brunes mordent la partie basse de la plante. De l’amélanchier est tombée une très petite feuille, la première, larme rouge écarlate posée au creux du vert assourdi.

Le contour des feuilles commence à se détendre, ou plutôt à se déformer, se replier, se retendre différemment, en réponse à une force plus mystérieuse que celle qui l’avait conduite à se développer et étinceler sous le soleil. Le vert disparaît peu à peu, se dissout en un brun encore lumineux. La tige oppose une résistance inflexible à cette transformation. Baguette d’acier !

Ne restent que les chaumes, grandes feuilles sèches qui se recroquevillent petit à petit. S’enroulent autour d’un axe. La ligne prend de la force au détriment de la surface colorée : le trait, non plus l’étendue.

Choisir entre différentes possibilités : cueillir cette relique, la faire sécher avant de la froisser dans mes doigts, récolter la poudre comme un pigment, comme une craie passée sous le pied. Ou laisser le feuillage finir l’hiver, soumis au pourrissement, tout le temps du repos de la plante, de longs mois avant le prochain éclat vert tendre.

Olivier Marty, 20 octobre 2006.